Bobby Fischer disparait à la 64eme case.

L’histoire du champion du Monde d’échecs Robert James Fischer. L’un des plus brillant joueurs d’échecs de tous les temps ... mais aussi l’un des plus capricieux...

L’ex champion du monde Robert James Fischer (dit Bobby) vient de s’éteindre à 64 ans en Islande (18.01.08). Né le 9 mars 1943 à Chicago, ses parents divorcèrent quand il entra dans sa deuxième année et ne connu pratiquement pas son père, un physicien originaire de Berlin. Sa mère suissesse emmena ses deux enfants successivement en Oregon, en Arizona, en Californie avant de se fixer définitivement dans le quartier de Brooklyn dans la banlieue de New-York.

De l’initiation au niveau de L’élite : Une courbe de progression rapide

Joan Fischer eut la bonne idée, un jour de 1949 d’aller acheter au drugstore en bas de la rue un nouveau jouet pour son frère : un jeu d’échecs ! On sait seulement que c’est vers l’age de 8 ans que le jeune Bobby eut son premier contact avec les échecs officiel en s’inscrivant au club d’échecs de Brooklyn. A l’école, Bobby n’en faisait qu’en sa tête, pas question d’enfiler sa blouse ou de se mettre en rang. Doué, certes, mais incapable de s’intéresser aux matières étudiées, Bobby fournissait le travail minimum pour ne pas s’attirer d’ennuis. A n’importe quel jeu, Bobby se devait de gagner. La perte d’une partie de ping pong pouvait le mettre dans une rage folle. Ayant un don aux échecs, il fut rapidement devenu le meilleur joueur de son école et eu vite tendance à s’intéresser exclusivement au domaine dans lequel si se sentait le plus fort et passa rapidement du stade de débutant à celui de maître d’échecs.

A 16 ans, Bobby quitta non seulement l’école, mais aussi sa mère et commença avec ses premiers revenus de joueurs professionnels d’habiter à l’hôtel. Son emploi du temps était désormais très simple, ou il se trouvait devant un échiquier à jouer un tournoi, ou alors il se trouvais devant l’échiquier dans sa chambre d’hôtel à étudier la théorie, à analyser telle ou telle variante. Fischer n’avait pas d’amis, pas de place non plus pour les femmes dans cette communion avec les échecs. Son ascension correspondit à l’ère Botvinnik et à l’hégémonie des Grand-maitres soviétiques sur l’arène internationale. Il devait donc tous les abattre !

Son ascension vers le championnat du monde sembla irrésistible. Il confirma sa suprématie aux États-Unis en remportant le championnat national en 58, 59, 60, 62, 63, 65 et 66. Celui de 1963 le vit marquer 100% des points, laissant Evans 2ème à 3,5 points !

Bobby participa au tournoi interzonal de 1962 à Stockholm et rafla la première place en gagnant 13 parties et en annulant 9 !, laissant l’armada soviétique derrière : Geller et Pétrossian à la deuxième place à 2,5 points et Viktor Kortchnoï à 3 points.

Cependant, lors des matchs des candidats la même année à Curaçao, première grande déception : cinq des candidats étaient soviétiques et un accord tacite avait été conclu entre trois d’entre eux : Pétrossian, Kérès et Geller qui n’essayaient pas de se battre en concluant des parties nulles de salons (moins de 20 coups) pendant que Fischer devait lutter chaque jour contre des adversaires combatifs non disposés à lui offrit le demi-point sur un plateau. Finalement, il ne put rien contre cette coalition et c’est Tigran Pétrossian avec son jeu extrêmement solide qui se qualifiât pour rencontrer Botvinnik.

Déçu, écœuré même, Fischer ne mâcha pas ses mots dans la critique envers les joueurs soviétiques en les traitant de tricheurs et déclarant ne plus vouloir jamais participer à un tel tournoi des candidats. Autant de déclaration fracassantes provoquèrent un tollé de protestations parmi les grands maitres soviétiques. Jusqu’en 1965, il disparut de l’arène internationale.

Les protestations de Bobby ne sont pas resté sans effet : La FIDE (Fédération Internationale des Echecs) changea le règlement du tournoi des candidats. Désormais, les huit candidats s’affrontent deux à deux, et de ces 4 duels sortiraient les 4 finalistes. Ce système éliminatoire, clair, empêchait toute entraide nationale des compétiteurs.

Néanmoins, Bobby bouda le cycle du championnat du monde de 1965, tout comme la plupart des tournois internationaux. Il a fait pourtant 2 apparitions marquantes ; au Mémorial de la Havane qui s’annonçait d’un très haut niveau mais le département d’état Américain avait interdit Fischer de fouler le sol cubain. Celui-ci eu donc l’idée de jouer le tournoi depuis New-York par liaison Telex. Il y mettait une condition : que Fidel Castro ne se serve pas de sa participation à des fins de propagande politique. Bobby, seul sur l’échiquier du Marshall Chess Club de New-York montra qu’il restait au niveau des soviétiques malgré ses trois ans d’absence de la scène internationale. Il fallut que Smyslov fusse en plaine forme pour l’empêcher de terminer à la première place. Avec 15 points sur 21 dans des conditions difficiles (il joua 2 à 3 heures de plus que les autres à cause du délai de transmission des coups), l’ambition de Fischer n’était pas entamée.

L’année d’après, les meilleurs joueurs du monde se retrouvaient à Santa Monica en Californie. La coupe Piatigorky compta la participation de Tigran Petrossian (champion du monde en titre), Boris Spassky (le challenger officiel), Samuel Reshevsky, Miguel Najdorf, Bent Larsen, Lajos Portisch, Ivkev, Unzicker et Donner. S’il pris un départ catastrophique, Bobby réussit une deuxième moitié de rêves (7,5/9) et termine second, derrière Spassky.

Avec le style de jeu de Fischer, on ne s’ennuie jamais, le combat est lancé dès les premiers coups. Comme Alekhine, il ne cherche pas pas systématiquement à créer un schéma stratégique gagnant, mais à chaque coup il s’applique à faire émerger les possibilités tactiques. A la différence d’Alekhine, Bobby se montrait très matérialiste en milieu de partie. Quand Alekhine préférait garder l’initiative plutôt que de donner un pion, Fischer n’avait pas peur de se défendre après une capture de matériel.

Lors du tournoi interzonal de 1967, qualificatif pour le tournoi des candidats au championnat du monde,après 10 rondes, Fischer surclassa tout le lot en marquant 8,5 points. Sa victoire ne faisait plus aucun doute tant sa domination avait été nette puisqu’il écrasait ses adversaires d’une facilité déconcertante. Byrne, Stein, Reshevsky, victime du bourreau pouvait le confirmer. Puis vint l’incident : Avant de commencer à jouer ; Fischer avait posé la condition de ne pas jouer entre le vendredi au coucher du soleil jusqu’au samedi au coucher du soleil (Fischer faisait parti de la secte des adventistes du septième jour. Reshevsky, de religion juive, respectait la même abstinence de façon intransigeante). Après 13 rondes, Fischer n’avait joué que 10 parties. Pour remettre tous les participants au même niveau, les organisateurs prévirent trois jours de repos durant lesquels celui-ci jouerait les parties manquantes ; refus catégorique de Fischer qui, devant jouer quatre jour de suite se trouvait lésé par rapport aux autres compétiteurs. La suite est simple : Les organisateurs tunisiens s’en tinrent à leur proposition et Fischer à son refus. Ipso Facto, l’américain se trouvait exclu du tournoi. Il n’hésita pas longtemps et fit la valise, direction New York !

Avant de disparaitre une nouvelle fois pour deux ans, Bobby montra qu’il restait "le vrai" numéro 1 en remportant les tournoi de Monaco et Skopje en 1967, et ceux de Nathanya (Israël) et Vinckovci (Yougoslavie) en 1968. Pendant que Spassky triomphait de Pétrossian et devenait champion du monde, Bobby restait dans l’ombre.

Le Match Russie contre le reste du monde

Fischer participa au début des années 1970 à Belgrade au "match du siècle" puisqu’on l’appela ainsi : La question était dans tous les esprits ; que donnerait la confrontation de l’URSS avec ses 4 millions de licenciés (fournissant la moitié des GMI existant) contre le reste du monde ?

  • Max Euwe était sélectionneur de l’équipe du reste du monde. Il choisit Fischer numéro 1 et Bent Larsen numéro 2. Celui-ci revendiqua sa place de numéro 1 arguant que Fischer n’avait pas joué depuis 1968. Le problème semblait insoluble et à la stupéfaction générale, Fischer accepta de jouer au second échiquier. Cette modestie n’était pas dans ses manières habituelles et chacun se demanda s’il n’avait pas peur d’affronter Spassky, champion du monde et premier échiquier de l’URSS.

Par ordre d’échiquier :

  • L’équipe soviétique : Spassky, Pétrossian, Kortchnoï, Polougaievski, Geller, Smyslov, Taïmanov, Botvinnik, Tal, Kérès et en réserve, Stein.
  • l’Equipe du reste du monde : Larsen, Fischer, Portisch, Hort, Gligoric, Reshevsky, Ullmann, Matulovic, Najdorf, Ivkov et les remplaçants Olaffson et Darga.

Si l’URSS finit par l’emporter, ce fut avec la marge la plus étroite. Les soviétiques gagnèrent les derniers échiquiers, mais perdirent sur les 4 premiers ! Bobby joua notamment contre Pétrossian, réputé pour avoir une excellence défense en béton, gagna de manière si expéditive que cela fit sensation. Finalement, le match s’établit 20,5 - 19,5 en faveur de l’URSS. Un score étriqué mais qui permis de démontrer sa force collective plutôt que ses individualités.

Fischer : un adversaire irrésistible

Au printemps de cette année 1970, Bobby participa au tournoi de Zagreb et termine largement en tête, devançant de 2 points Hort, Gligoric, Kortchnoï et smyslov et de 2,5 points Pétrossian. A Buenos Aires, Fischer marqua un score "à la Alekhine" et laissant ses adversaires à 3,5 points derrière lui. Mais Spassky n’a participé a aucun de ces deux matchs.

Toujours en 1970 à lieu le tournoi interzonal des Baléares à Palma de Majorque, éliminatoire du championnat du Monde. Un grave problème s’est posé : Bobby n’avait pas daigné joué le championnat des États-Unis, qualificatif pour ce tournoi. évidemment, un tel tournoi sans la participation d’un prétendant comme Fischer n’aurait plus de signification et perdrait beaucoup d’intérêt et de crédibilité auprès du public. Les organisateur improvisèrent un nouveau règlement. Si l’un des joueur américain participant cédait sa place, Robert Fischer pourrait le remplacer. Finalement Pal Benko se sacrifia, au grand soulagement de tous les fans de Bobby.

L’équipe russe se composait de Smyslov, Polougaievski, Geller et Taimanov, chacun d’entre eux avait un secondant chargé d’analyser les parties ajournées, d’étudier le répertoire d’ouverture des adversaires et de préparer des nouveautés théoriques pour désarçonner l’adversaire du jour.

Les occidentaux étaient composés de Larsen, Panno, Mecking, Hübner, du hongrois Portisch, de l’Allemand de l’Est Uhlmann, Hort, et les yougoslaves Gligoric et Matulovic.
Malgré un départ difficile en début de tournoi, Fischer gagna contre sa bête noire Geller à la douzième ronde (sur 24 au total) qui l’avait gagné à plusieurs reprise lors de leur précédentes rencontres en persévérant la partie contre un buveur excessif, un adversaire plus agé, plus fatigué.

Résultat : Fischer 1er (états-unis) 18,5 points, 2e ex-æquo : Larsen (Danemark), Geller (URSS) à 15 points, Hübner (RFA), 5ème.

Le quart de Finale opposait, entre autre, Fischer à Taimanov. Le ville de Vancouver s’est proposé pour organiser ce match. Geste courageux des canadiens qui n’ignoraient pas les conditions de jeux exigées par Bobby. Celui-ci inspecta les lieux, vérifia les lumières, l’échiquier, les fauteuils, la distance avec les spectateurs et au final un grand soulagement : Bobby jouerait.

Le représentant soviétique accompagné de deux grands maitres qui lui aiderait à préparer les variantes préparées et prêts à passer des nuits entière à décortiquer les positions de parties ajournées. La consigne était :"tiens bon les 40 premiers coups, demain nous nous chargerons de la suite à adopter".
Cependant, cela n’a pas empêché celui-ci de subir une déroute cinglante : Taïmanov est écrasé par Fischer par le score de 6-0 !

Bobby rencontra Larsen en demi-finale et tous deux se mirent rapidement sur la ville de Denver (Colorado) dont les organisateur offraient la plus forte bourse pour cette rencontre.
Lors des deux premières parties, Larsen obtient de belles positions en jouant dynamique mais à chaque fois, Bobby trouvait une solution pour sauver la position et la dame dans la deuxième partie. Une constatation s’imposait : on jouait mal contre Bobby. Celui-ci connaissait très bien les ouvertures ce qui lui permettait de jouer très vite au début et le pressing qu’il faisait subir à ses adversaires fonctionnait. Larsen n’a pas pesé plus lourd que Taïmanov : 6-0 en faveur de Fischer.

Pétrossian et Fischer s’accordèrent pour s’affronter à Buenos Aires en octobre 1971 pour la finale des candidats. Bobby fit souffrir les organisateurs argentins : La lumière trop crue à son fout fut changé pour pour une lumière plus douce diffusé par des tubes fluorescents, installer l’air conditionné pour maintenir une température constante dans l’aire de jeu. Les spectateurs devaient se tenir éloignés à au moins 10 mètres de l’échiquier, aucune photographie devaient être prise durant la partie et bien entendu, maintenir le silence total.

Pétrossian-Fischer en 1971 à Buenos Aires

Les pronostiqueurs restaient partagés quand à l’issu du résultat : Fischer gagnait brillamment mais Pétrossian ne perdait pas et avait une défense en béton. (Ni Hubner, ni Kortchnoï n’ont pu gagner une seule partie contre "le Tigre").
La première partie fut gagné par Bobby, la deuxième par Pétrossian, puis ensuite 3 nulles s’ensuivent. Le tournant fut la sixième partie. Pétrossian avait les blancs et adoptait une construction bétonné, véritable muraille qu’il employait dans des circonstances importantes. Celui ci laissait venir les pièces noires, attendant que l’adversaire s’affaiblisse tout seul. Pétrossian se contentait de coup de louvoiement. Face à cette passivité, Fischer bâtit un plan simple : faire une percée à l’aile dame, calmement, méthodiquement, "à la Botvinnik". Après l’échange des dame, Bobby gagne un pion puis la partie fut ajournée. Occasion pour chaque camp de pousser la longueur et la profondeur des analyses le plus loin possible. Après de nombreuse manœuvres, Bobby finit par s’imposer. Fischer déclara bien jouer, deux ans plus tard, Pétrossian avança l’explication suivante : "il est impossible pour deux joueurs de jouer dans des conditions différentes, il est difficile de lutter quand, même avant le premier coup, vous devez vous plier aux exigences de votre adversaire. Fischer voulait jouer à Buenos Aires ; pas moi. Quand Fischer voulut jouer, je dus jouer, etc..." "cela peut semble amusant, mais ça ne l’est pas !".

Une organisation du championnat du monde laborieuse

Jamais une compétition d’échecs ne connut plus de publicité que la finale du championnat du Monde de 1972 entre le soviétique Boris Spassky et l’américain, Robert James Fischer. C’était le jeu des Blocs, capitaliste d’un coté, communiste de l’autre. Le terme échiquier politique, cliché de journaliste, retrouvait pour une fois son sens propre.

Depuis 1970, Bobby avait écrasé tous ses opposants sauf Spassky. Ils s’étaient rencontré 5 fois. Spassky l’avait remporté trois fois et les deux autres parties se soldèrent par la nulle et pourtant, c’est Fischer qui partait favori avec un élo supérieur à 2700, il obtint une cotation jusque là inégalé. Au début de 1972, des dizaines de villes ont répondu à l’appel d’offre, deux villes offrirent des prix supérieurs : Belgrade et Reykjavik. Premier désaccord : Spassky avait choisi dans sa liste préférentielle Reykjavik et Fischer Belgrade.

Le 20 janvier 1972, M. Edmondson , président de la fédération des échecs des États-Unis arrivait à Amsterdam avec Fischer pour négocier le lieu du Match avec Max Euwe , président de la FIDE (Fédération Internationale Des Echecs). Les soviétiques de vinrent pas, selon eux, la procédure règlementaire n’était pas respectée. Fischer repartit pour New-York.

Euwe dû trancher : le match aurait lieu à Belgrade pour la première moitié et Reykjavik pour la seconde. Le 23 janvier, l’accord était signé à Amsterdam, l’accord était signé par Geller pour les soviétiques et M. Edmondson pour Fischer. Tout semblait aller pour le mieux quand ils reçurent un message de Fischer qui niait le droit d’Edmondson d’agir en son nom et trouvait l’offre de Belgrade insuffisante et attendait de nouvelles propositions "plus sérieuses". Les yougoslave ne voulurent pas se plier aux exigences de Fischer et demandèrent aux fédérations soviétique et américaine de partager le coût supplémentaire de 70 000 dollars. Les soviétiques acceptèrent non sans rechigner traitant Bobby comme un chasseur de prime issu de la culture capitaliste. Edmondson affirma ne pas pouvoir : La Fédération Américaine n’était pas riche. Euwe lança un ultimatum à Fischer Il avait jusqu’au 1er avril pour se décider, sinon la finale du championnat du monde se jouerait entre Spassky et ... Pétrossian. Surprise : Fischer accepta de jouer. ... puis nouveau coup de théâtre : Las de toute ces tractations interminables, Belgrade abandonna purement et simplement leur projet, laissant l’Islande se débrouiller avec le problème Fischer. Il était prévu que le Match commence le 2 juillet 1972.

Spassky arriva le 20 juin en Islande accompagné de sa cohorte d’entraîneurs (Efim Geller, Nikolaï Krogius, Ivo Neï), le tennis, la marche à pied, la pêche à la ligne constitua l’essentiel de l’emploi du temps extra-échiquéen du champion du monde en titre. Celui-ci déclara aimer l’Islande et ses habitants qui avaient fait les choses au mieux. Les jours passaient et Fischer ne donnait pas signe de vie, les journalistes, plus nombreux en Islande que jamais dans l’histoire de ce pays guettaient toutes les arrivées d’avion en provenance de New-York, vainement.

On apprit que Bobby se trouvait à l’aéroport Kennedy avec une réservation en première classe dans l’avion du soir, le 30 juin. Au moment de le prendre, il changea d’avis, joua un certain temps au chat et à la souris avec les journalistes, puis repartit à New-York.

Le 1er juillet, en grande pompe et dans un climat désenchanté, commençait la cérémonie d’ouverture. Les Islandais, Euwe, les soviétiques, l’ambassadeur des États-Unis, tout le monde fit son petit discours, s’efforçant de rester serin.

Et le fameux 2 juillet arriva, et pas de Fischer. De New-York, celui-ci fit connaitre de nouvelles exigences : Lui et Spassky se partageraient, en plus du prix, 30% des recettes d’entrée. Les Islandais ne pouvaient pas accepter ces conditions. Seul un miracle dorénavant était en mesure de sauver le Match.

Le miracle se produisit le lendemain, Jim Slater , banquier Londonien amoureux des échecs, excédé par l’attitude de Fischer, offrit de doubler la bourse du Match en rajoutant 125000 dollars. Il ne fallut pas attendre plus d’une journée pour voir rappliquer Fischer à Reykjavik.

Pourtant, ce n’était pas la fin des ennuis, les soviétiques jugèrent le moment opportun pour se venger, et ils décidèrent de boycotter la cérémonie du tirage aux sort (destiné à décider qui aurait les blancs dans la première partie). Il fallut une conférence de presse du clan américain où Lombardy (Pasteur, grand maitre et secondant de Bobby) tenta d’excuser l’attitude de Fischer pour que les esprits s’apaisent. On trouva finalement un arrangement et le tirage au sort fut organisé. Spassky s’y rendit et découvrit en face de lui ... Lombardy ! Le soviétique pris l’absence de Fischer pour un affront insupportable et demanda des excuses.

A ce point, personne n’y croyait plus. Euwe, condamné par les russes pour avoir violé les règles de la FIDE s’avouait incapable de faire davantage. Les Islandais, interloqués par ce monde bizarre qui venait troubler le calme de leur insularité, commençaient à désespérer que toutes ces histoires n’en finisse pas. Le lendemain matin une lettre attendait Spassky dans le casier de l’hôtel Saga. Robert Fischer s’excusait humblement ! On recommença le tirage au sort (Fischer trouva le moyen d’arriver avec 20 minutes de retard) et Spassky, le 11 juillet, pousserait le premier pion (blanc).

Bobby, la consécration

Le matin du 11 juillet, Bobby examina la salle de jeu, les sièges, la table, la lumière, l’échiquier : Cases de l’échiquier trop grandes, lumière insuffisante, public trop rapproché furent ses (seules !) récriminations.

Boris Spassky Vs Bobby Fischer - 1970

L’après midi, devant une salle archi-comble, Spassky ouvrit avec le pion dame et Fischer adopta la défense Nimzovich. La fin de partie, avec une structure symétrique et un fou de chaque camp s’acheminait vers la nullité quand brusquement, comme pour continuer ses excentricités sur les 64 cases, Fischer joua 29...fxh2

Un coup dont la signification reste controversée. Ou bien Fischer s’est trompé en pensant que son fou pourrait s’échapper, ou bien montrer à Spassky que, même en lui faisant cadeau d’une pièce, il ne sera pas capable de le battre, lui, "bobby the best" ? Le mystère ne sera jamais éclairci. (voir le diagramme ci-dessous, utiliser Firefox pour une utilisation optimale)

Un peu plus tard, Bobby fit savoir qu’il ne continuerait pas le mach tant que les caméras de télévision n’auraient pas été enlevées.

Rude problème pour les Islandais qui comptaient éponger une partie de leur déficit avec la firme Chester Fox. Ils décidèrent de placer les caméras de telle façon qu’il ne pourrait ni les voir, ni les entendre. On appela Fischer pour qu’il vienne constater le nouvel état des lieux. L’américain, cantonné dans sa chambre d’hôtel, refusa de répondre.

L’heure de la deuxième partie arriva. Spassky, ponctuel, était là. Mais point de Fischer ! L’arbitre du match, Lothar Schmid , déclencha la pendule de l’américain. Une heure se passa et Spassky fut déclaré vainqueur de cette deuxième partie... par forfait ! Spassky semblait désolé de cette situation.

Le dimanche 16 juillet 1972, jour de la troisième partie, il y avait peu d’optimistes pour prévoir la venue de Bobby à la salle de jeu, d’ailleurs, on se demandait presque même s’il n’était pas reparti pour New York.

Une heure avant le début de la partie, Fischer fit savoir, par l’intermédiaire de Lombardy qu’il désirait jouer dans une salle annexe isolée de tout spectateur et de toute caméra de télévision. Spassky, dont la mentalité contrastait singulièrement avec celle de l’américain accepta.

L’arbitre resterait donc seul avec les deux joueurs. Spassky arriva à l’heure et poussa le pion de la dame. Les cinq minutes suivantes semblèrent durer une éternité. Enfin, Fischer entra, pâle, au bord de la dépression nerveuse. Après une longue hésitation, il joua le cavalier du roi : Ouf !

Sur l’échiquier, le mauvais garçon composa un nouveau chef d’œuvre, il sorti sa botte secrète au 11ème coup a l’aide de son cavalier. Le dernier coup de la partie fut glissé dans l’enveloppe de l’arbitre. Quand le lendemain après-midi Spassky put le lire, il abandonna instantanément, convaincu par ses analyses nocturnes que ce coup ne lui laissait plus aucune chance de résistance.

Pour la première fois, Bobby Fischer venait de gagner une partie d’échecs contre Boris Spassky.

Dans la partie suivante, Spassky joua une sicilienne. Depuis le début de sa carrière, Bobby adoptait le même système de développement des pièce blanches : L’attaque Sozine. Il va sans dire que le clan soviétique s’était penché sur le sujet, décortiquant à fond les diverses ramifications de cette variante en vue de trouver une ligne de jeu inconnue de Fischer pour mettre celui-ci dans un problème que Spassky, lui connaitrait à fond. Sans hésiter, Fischer joua pour la énième fois son attaque, sans doute curieux de voir ce que les russes avaient pu trouve contre elle. La réaction ne se fit pas attendre, un violent sacrifice de pion des noirs plaça Fischer au bord du précipice. Mais une fois, la récitation théorique terminée, Bobby trouva tous les meilleurs coups défensifs et Spassky laissa échapper les coups virulents. Le match nul qui en résulta constituait une demi-victoire pour Bobby, qui a lui seul, avait mis en échec toute une équipe.

Pour la cinquième partie, Spassky poussa une nouvelle fois le pion dame. Cette fois-ci c’est Bobby qui surprit son adversaire en employant un système rare de la nimzo-indienne. Mal préparé contre cette ouverture, Spassky donna l’impression de patauger. L’initiative passa aux noirs .. et au 27ème coup, a peine le coup de Spassky fut terminé que le coup de Bobby jaillit 27... Fxa4 !!

Spassky abandonna. A la suite de la partie, Spassky semblait troublé, certains rictus de son visage laissait transparaitre une souffrance interne. Et Bobby ? Eh bien il garde son mode de vie ordinaire, partagé entre sa chambre d’hôtel, la salle de jeu et sa base ou il jouait au ping pong et au bowling.

Ses exigences ? Elles continuent de plus belle et ne cessèrent pas jusqu’à la fin du tournoi ; ce qui démontra de bons signe de la forme du joueur.

La sixième partie débuta par c4, ce qui est une énorme surprise car Bobby débuta 95% des parties par le pion du roi. La partie, limpide, fut mené avec brio du début à la fin par Fischer, Spassky abandonna au 41ème coups. Du coup Bobby passait en tête !

Spassky avait besoin d’une vrai partie et n’hésita pas à pousser le pion du roi pour entamer la septième partie. Fischer n’hésita pas non plus et tenta la fameuse variante du pion empoisonné. Après 15 coup, il fallut se rendre à l’évidence : les menaces que les blancs sont censés posséder est inexistante et Bobby gardait solidement son pion de plus. Finalement, Bobby joua rapidement des coups superficiels et la partie s’est conclue par la nullité.

Huitième partie et nouvelle réclamation de Bobby : celui-ci demanda à ce que l’on change l’échiquier de marbre en bois car d’après lui, le marbre donne l’impression que les cases blanches sont plus grandes que les cases noires. Spassky accepta sans hésitation le changement. Puis, juste avant de débuter la partie, Fischer ordona de remettre l’échiquier de marbre en place, critiquant l’arbitre qui avait enfreint le règlement en changeant l’échiquier !! Spassky pris la décision courageuse de laisser l’échiquier en bois. Maugréant, Fischer renonça à pousser plsu loin la polémique et accepta de jouer.

Au 11ème coup de Bobby, Spassky mis une heure entière avant de choisir une réplique. Spassky forgea lui même sa défaite en perdant tant d"énergie et de temps dans ces premiers coups. Une faute de calcul donna la victoire à Fischer : 5-3 en faveur de Fischer !

Spassky demanda le report de 2 jours la partie suivante pour cause de maladie. Mais, pour les observateurs, le moral, plus que la gorge semblait malade.

Quand Bobby apprit que la huitième partie avait été filmé à son insu, ce fut un nouvel excès de fureur : "la télévision ou moi !". Les Islandais cédèrent et 100 000 $ partirent en fumée.

Après le départ des caméras, Bobby continua les complications. Bobby louvoyait, Spassky décida d’attaquer, Bobby trouva de bonnes réplique et après quelques échanges, l’attaque passa brusquement de son coté. Une parfaite maîtrise technique en fin de parti aboutit à croquer le troisième point d’avance !

Spassky était au fond de l’abime bien que le match n’en fut pas encore à sa moitié. Mais déjà, l’interrogation initiale avait trouvé sa réponse : Fischer dominait les joueurs du monde entier, y compris Spassky.

Au huitième coup de la 11ème partie, Bobby croqua le pion soi-disant empoisonné, chacun récita ses connaissances théoriques, puis au treizième coup, Spassky passa 30 minutes à réfléchir. Quand celui-ci se décida à jouer, on pu voir Bobby blêmir. Le soviétique venait de trouver un genre de coup si surprenant que l’on ne voit cela dans des positions artificielles, inventés par des problémistes. La dame de Fischer se retrouvait enfermé et quelques coups plus tard, il ne lui restait plus qu’a abandonner. Tonnerre d’applaudissement dans la salle.

Treizes parties restaient à disputer et Spassky était mis en confiance. la treizième partie, la plus longue, la plus mouvementé, la plus indécise donna l’impression d’une lutte de titan mais le mauvais choix d’échecs du 69 ème coup, conduit Spassky à la défaite.

Fischer continuait à émettre quotidiennement des réclamations, lassant les journalistes. Dans toutes les parties de cette fin de Match, Fischer semblait s’amuser à jouer au chat et à la souris avec son adversaire. Spssky pouvait obtenir de belle positions d’attaques mais Bobby répondait à une vitesse stupéfiante.

Bobby conversa ses 3 points d’avance et, pour la plupart des observateurs, le Match était virtuellement terminé. Le 3 septembre 1972, Boris Spassky ne se représenta pas à la reprise de la 21ème partie et téléphona à l’arbitre pour signifier son abandon. Bobby avait amplement démontré qu’il était le plus fort joueur de tous les temps.

Le commentaire de Boris Spassky, une vingtaine d’année plus tard :

Bobby a déclaré son intention de rester champion du monde jusqu’à l’an 2000. Pourtant, plus d’un an après, Bobby n’avait participé à aucun tournoi et personne ne su ce qu’il faisait.

Le Déclin

Pendant ce temps, on assistait à l’ascension irrésistible du jeune Anatoly Karpov, le nouveau champion soviétique qui vint à bout de l’ex-champion du monde Spassky et de Victor Kortchnoï qui faisait parti de l’élite mondiale depuis plus de 20 ans.

Deux ans se sont écoulés depuis Reykjavik, et Bobby n’apparaissait toujours pas devant l’échiquier. Chacun cherchait une cause à cet état de fait : prix pas suffisamment élevés ? peur de Karpov ? ou alors, tout simplement aurait-il atteint son but en devenant champion du monde ?

Fischer envoya sa réponse à la FIDE concernant le règlement du championnat du monde : La FIDE proposait que le vainqueur soit le premier joueur à gagner 10 parties, avec une limite de 36 parties au cas ou personne n’y parvienne. Fischer voulait un nombre illimité de parties, e t exigeait un score de 9-9, et que le tenant du titre soit considéré comme le vainqueur. La FIDE n’accepta aucune de ses deux demandes.

Deuxième télégramme de Fischer en juin 1974, déclarant en conséquence, il abandonnait son titre. Six mois passèrent et la FIDE lança quand même un appel d’offres aux villes intéressés par l’organisation du Match Fischer-Karpov. Les réponses nombreuses, sont allés au delà des quotas probables. Avec de telles sommes en jeux, Fischer allait bien accourir. Mais finalement rien, aucune réaction de sa part.

La FIDE lança un ultimatum : Si le 1er avril 1975, Fischer ne s’était pas manifesté, Karpov devenait le 12ème champion du monde. Le jour dit vint, se passa et se termina sans nouvelle de Bobby. Vingt quatre heure de plus furent accordées : Rien !

Le 24 avril 1975, Max Euwe, président de la FIDE proclama Anatoly Karpov champion du monde d’échecs.

On ne devait plus jamais participer à une compétition officielle et, en particulier, la confrontation Fischer-Karpov, vainement attendue et désirée par les amateurs d’échecs du monde entier, n’eut jamais lieu.

A partir de cette période, le fantasque et excentrique Bobby Fischer n’eut de cesse de fuir, curieux et journalistes à tel point qu’on peut dire, presque sans exagération, qu’il "disparut de la circulation".

Il semble acquis, néanmoins, qu’il se fit dépouiller d’une grande partie de ses économies par une secte à laquelle il appartenait...

...Ce qui motiva sa réapparition sur la scène médiatique en 1992, 20 ans après, pour jouer un Championnat du Monde (officieux) contre Spassky qu’il remportera (10-5).

Cette confrontation n’apporta rien de plus à sa gloire échiquéenne... mais environ 3,35 millions de dollars à son compte en banque, (5 millions de dollars ont été mis en jeux) qui en avait, semble-t-il, bien besoin !

Ce match fut disputé au Monténégro, pendant la terrible guerre civile qui déchira les pays de l’ex-Yougoslavie. Ce pays étant alors placé sous embargo par l’ONU, Fischer se vit inculpé pour transaction illégale par la justice américaine...

Par la suite, Bobby Fischer vécut alors de manière plus ou moins clandestine dans divers pays(en Hongrie, en Argentine, aux Philippines et au Japon). Son caractère, déjà très fantasque, vira malheureusement à la misanthropie et à la paranoïa et le conduisit à faire diverses déclarations antisémites et anti-américaines.

Il alla même jusqu’à se réjouir publiquement des attentats du 11 septembre (lui, l’enfant de Brooklyn !), ce que les autorités de son pays ne lui pardonnèrent naturellement jamais...

En juillet 2004, il fut arrêté au Japon où il fut emprisonné pendant huit mois. Bobby Fischer ne sortira de prison qu’en mars 2005.

Installé en Islande où il avait conservé quelques amis fidèles et ayant obtenu la naturalisation en mars 2005, il restait sous la surveillance des autorités américaines qui disaient vouloir toujours son arrestation et son extradition.

Si la personnalité de Bobby Fischer fera toujours inévitablement l’objet de controverses, ses qualités de joueur d’échecs, par-contre, ont toujours fait l’unanimité.

Témoin cette déclaration de Garry Kasparov à l’annonce de son décès :

"Fischer peut tout simplement être considéré comme le fondateur des échecs professionnels et sa domination, bien que très courte durée, fait de lui le plus grand de tous les temps."

Fischer est décédé d’une défaillance rénale à 64 ans, âge symbolique s’il le faut pour une passion qui l’a occupé toute son existence.

Bobby aurait peut être pu apprendre à jouer aux dames ?

On parle aussi de Bobby :

Portable Game Notation - 896 octets
1ère partie - Spassky/Fischer
Portable Game Notation - 543 octets
5ème Match, le 27ème coup assassin
Posté le 4 mars 2008 par FREDO